Le 31 mars 2023, le procès de Pinar Selek se tiendra à Istanbul. Cette sociologue, écrivaine, militante féministe et pacifiste risque la prison à vie en Turquie, où elle est constamment persécutée par le pouvoir depuis 25 ans. Son tort ? Refuser de révéler l’identité des personnes interrogées lors d’une enquête sur les mouvements kurdes.
Le cas de Pinar Selek
En 1998, elle est arrêtée, torturée et emprisonnée pendant plus de deux ans. Elle apprend alors qu’elle est accusée d’avoir déposé une bombe qui a explosé sur un marché d’Istanbul, faisant sept morts et 121 blessés. Bien qu’elle ait été acquittée à quatre reprises (en 2006, 2008, 2011 et 2014) grâce à des expertises qui ont montré que l’explosion était due à une bouteille de gaz, la justice turque a systématiquement fait appel.
En février 2023, la Cour suprême de Turquie a annulé son dernier acquittement et décidé de la juger à nouveau en son absence. Avant même l’audience du 31 mars, Pinar Selek fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. La justice turque semble « réveillée » après neuf ans de silence, ce qui peut être lié aux élections présidentielles et législatives prévues en mai, ainsi qu’à la célébration du centenaire de la République turque.
Au-delà de son cas personnel, cette affaire montre la répression dont les universitaires sont victimes en Turquie depuis des années, et qui a été accentuée après la tentative de coup d’État de 2016. Les libertés académiques sont ainsi gravement menacées dans le pays, où les chercheurs font régulièrement l’objet de poursuites judiciaires et d’attaques verbales ou physiques.
En définitive, le procès de Pinar Selek illustre la situation critique de la liberté de recherche et d’expression en Turquie, ainsi que la répression dont sont victimes les universitaires. Si les autorités turques veulent véritablement promouvoir un environnement de recherche libre et protéger les droits humains, elles doivent mettre fin aux persécutions judiciaires et garantir la sécurité des chercheurs.
Pinar Selek a été contrainte de fuir la Turquie en 2009 pour échapper à la persécution politique. Depuis 2011, elle est arrivée en France, a soutenu une thèse de doctorat en sciences politiques à l’Université de Strasbourg, publié de nombreux travaux scientifiques et enseigne à l’Université Côte d’Azur depuis 2016. Les deux premières années, elle a bénéficié de l’aide du Programme national d’accueil en urgence des scientifiques et des artistes en exil (PAUSE), mais en 2022, l’Université Côte d’Azur lui a offert un poste pérenne d’enseignante-chercheuse.
La situation de la recherche dans le monde
Le cas de Pinar Selek n’est pas une exception à l’échelle mondiale. En effet, dans de nombreux pays, les chercheurs sont confrontés à des obstacles et à des restrictions qui entravent leur liberté de recherche et de parole. Cela peut prendre la forme de poursuites judiciaires, de pressions politiques ou économiques, ou de censure.
Dans certains pays, les chercheurs sont poursuivis pour leurs recherches sur des sujets sensibles, tels que la corruption, les droits de l’homme, ou les minorités ethniques et religieuses. Par exemple, en Chine, des chercheurs ont été poursuivis pour avoir publié des travaux sur les droits de l’homme, tandis qu’en Egypte, des chercheurs ont été arrêtés pour avoir critiqué le gouvernement.
Dans d’autres cas, les chercheurs sont confrontés à des pressions politiques ou économiques qui entravent leur liberté de recherche. Par exemple, en Russie, les chercheurs qui travaillent sur des sujets sensibles tels que la politique ou la corruption peuvent être menacés par le gouvernement, tandis qu’aux États-Unis, les chercheurs peuvent être soumis à des pressions économiques de la part de grandes entreprises ou de groupes de pression.
Enfin, dans certains pays, la censure peut entraver la liberté de recherche. Par exemple, en Iran, des chercheurs peuvent être interdits de publier des travaux sur des sujets sensibles, tandis qu’en Arabie Saoudite, les femmes chercheuses peuvent être confrontées à des restrictions en matière de recherche et de voyage.
Les conséquences de ces restrictions
Les restrictions à la liberté de recherche et de parole ont des conséquences néfastes sur la qualité et la fiabilité de la recherche scientifique. Les chercheurs qui se sentent contraints de se conformer aux idéologies politiques en vigueur, plutôt que de suivre les preuves et les données, risquent de produire des recherches biaisées, incomplètes ou même erronées. Cette situation peut compromettre la crédibilité et l’intégrité de la recherche et nuire à la confiance du public dans la science.
En fin de compte, la liberté de recherche et de parole est essentielle pour la promotion de la recherche de qualité, l’avancement de la connaissance et la résolution des problèmes les plus pressants auxquels notre société est confrontée. Les gouvernements, les institutions académiques et les organisations internationales doivent reconnaître l’importance de la liberté de recherche et de parole et prendre des mesures pour la protéger.
Cela peut inclure la mise en place de politiques qui protègent la liberté de recherche et de parole, la défense des chercheurs qui subissent des pressions politiques ou la censure, et la promotion de la collaboration internationale pour garantir que la recherche scientifique reste un domaine ouvert et collaboratif.
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